La séparation amoureuse est un thème qui nous concerne tous, car nous avons tous vécu au moins une fois dans notre vie une situation de rupture amoureuse.

Et même si l’adage populaire « un de perdu, dix de retrouvés » nous invite à banaliser et à dédramatiser la situation, la souffrance est néanmoins réelle, que l’on soit celui qui quitte ou celui qui est quitté.

Non seulement la souffrance liée à la séparation amoureuse est réelle, mais elle est en plus, bien souvent négligée et sous-estimée par l’entourage, désireux de retrouver au plus vite la personne qu’elle connait et que tout redevienne « comme avant ».

Or, cette souffrance intense et parfois non reconnue, peut conduire celui qui la vit à de grandes difficultés telles que : des dépressions majeures, des crises d’angoisse, des décompensations psychiques, des comportements à risques (alcool, drogue, sexe,…)… pouvant aller jusqu’au suicide (pour 50% des personnes qui ont fait une tentative de suicide, le déclencheur en était la rupture amoureuse).

La rupture amoureuse renvoie à des angoisses archaïques de séparation, voire de mort.

Et pour dépasser cela, un travail de deuil est nécessaire : il faut « faire son deuil ».

Mais que signifie exactement « faire son deuil » ?

Quelles en sont les étapes du deuil dans la séparation amoureuse ? Qu’est-ce qui peut favoriser le processus, ou au contraire le freiner ?

Faire son deuil…

Le terme de deuil regroupe à la fois l’événement constituant la perte, et le processus intrapsychique consécutif à la perte.

Le deuil se définit comme la perte d’un être cher, d’un animal aimé, mais cela peut aussi concerner la perte d’un objet, d’une situation fortement investie, voire même d’un état ou d’une idée auxquels on était attaché.

Ainsi, toute perte peut enclencher un processus de deuil : perte d’un être cher, d’une relation amoureuse, d’une situation professionnelle,…

Le travail de deuil consistera alors à progressivement réussir à se détacher de celui-ci, pour être capable de penser à la personne ou à la situation perdue, sans être envahi par l’émotion.

Au cours de ce processus, le sujet désinvestit le monde extérieur, se replie sur lui-même, jusqu’à ce qu’il soit possible d’investir de nouveaux objets d’attachement.

Le deuil n’est pas une maladie mais peut entraîner des pathologies. En nous fragilisant, il nous expose plus au risque d’être malade voire de mourir. D’autant plus que notre société a de plus en plus de difficultés à en accueillir les manifestations.

La séparation est une perte

La séparation amoureuse renvoie à une perte ; ainsi nous sommes dans le même processus psychologique qu’un décès. Mais contrairement au décès, la personne est encore là… Et elle nous refuse sa présence, son regard, son amour,… Ce qui peut générer un sentiment de non-existence.

La fin de l’histoire ouvre en nous 2 grandes brèches :

  • – elle fragilise notre narcissisme : si je n’existe plus dans ton regard, je ne me sens plus exister du tout…
  • – et elle détruit notre croyance en l’amour

« L’amour c’est ce qui permet de faire quelque chose de nos manques. Nous rêvons de compléter l’autre et de nous faire compléter par lui. La rupture vient mettre fin à cette idée. »
Valérie BLANCO, L’effet divan, L’harmattan, 2014

On se sent amputé d’une partie de soi.

De plus, la séparation entraîne un bouleversement des repères psychiques.

En effet, le couple est un organisme vivant : il naît, se développe – vit, et meurt, avec des dynamiques particulières, des rituels, etc…

Il est créé à partir de sa propre légende : « le mythe fondateur du couple », c’est-à-dire son histoire, comment les personnes se sont rencontrées, pourquoi elles se sont rencontrées, là où elles veulent aller ensemble.

Quand le couple n’est plus, il faut faire le deuil de tout cela : le deuil de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui sera.

La souffrance sera alors proportionnelle à la force de l’attachement et à l’investissement affectif au moment de la séparation. Ainsi, il sera plus « facile » de se séparer d’un amant que l’on voit occasionnellement, que d’une personne avec laquelle nous avions commencé à construire un projet de vie en commun par exemple.

Séparation amoureuse et solitude

De plus, pour beaucoup d’entre nous (pour ne pas dire pour nous tous), la séparation amoureuse renvoie à la solitude.

D’après Saverio TOMASELLA, la solitude est assimilée à la mort. Et cela nous renvoie à des croyances dont

l’origine remonte à l’enfance : laissés quelques heures par nos parents, nous avons cru en mourir.

Cette angoisse sera d’autant plus forte qu’elle est inconsciente.

Le travail de reconstruction passera alors par le fait de comprendre que ne plus exister dans le regard de l’autre, ne signifie pas disparaître.

Et la souffrance provoquée par la séparation amoureuse et donc la fin d’une liaison n’a rien à voir avec le fait d’être seul.

L’objet transitionnel n’est ni un objet extérieur, ni une partie de soi. Il s’agit plutôt de quelque chose situé à mi-distance utilisé par l’enfant pour lutter contre l’anxiété, notamment lors des expériences de séparation d’avec la mère.

Le jouet offert par la mère assure la permanence de sa présence. La permanence de l’objet assure la continuité relationnelle avec la mère (figure parentale rassurante, contenante, sécurisante) absente.

Les étapes du deuil

On peut calquer les étapes du processus de deuil sur le modèle élaboré par Elisabeth KUBLER-ROSS :

  • 1. La phase de déni : la personne est sous le choc ; elle ne peut pas y croire.
  • 2. La colère
  • 3. Le marchandage : « peut-être que si je deviens comme il/elle veut que je sois, je retrouverai son amour »
  • 4. La dépression : la personne vit sa tristesse
  • 5. L’acceptation

D’autres auteurs ont établi un modèle regroupant 3 étapes :

  • 1. choc – déni
  • 2. dépression – colère – culpabilité
  • 3. adaptation – restructuration : phase dite de « résolution » du deuil

Il est important de préciser que dans le cadre de la séparation amoureuse, ces modèles ne sont pas linéaires, c’est-à-dire qu’un individu peut fluctuer d’un état à l’autre au cours de sa période de deuil.

La reconstruction

Tout d’abord, il sera essentiel d’accueillir et d’accepter ses émotions dites « négatives », et ce, pendant tout le temps nécessaire, même si l’on est soi-même pressé de sortir de cet état, et que l’entourage nous enjoint de « tourner la page » rapidement.

Il conviendra également de « gérer le manque », afin de ne pas s’imposer de souffrances supplémentaires inutiles. Pour cela, il vaut mieux dans un premier temps, éviter tous contacts réels et virtuels. Cela permet ainsi une période de « sevrage ».

Ce qui va permettre de dépasser la rupture, c’est de lui donner du sens. Réfléchir à la relation, à ce qui n’a pas marché. Faire le tri entre ce qui est de ma responsabilité, et ce qui appartient à l’autre. Souvent, on est en attente des explications de l’autre, mais soit on ne les a pas, soit on ne les entend pas tout simplement parce qu’on n’est pas en capacité de les entendre. Cesser d’être en attente par rapport à l’autre, et trouver des explications en soi permettra de se reconstruire, de se retrouver soi-même en comprenant ses propres manques et ses attentes.

Bien évidemment, il est fortement déconseillé de renouer trop rapidement une nouvelle relation amoureuse qui ferait alors office de « pansement » et qui empêcherait alors le travail d’élaboration nécessaire à la reconstruction d’une nouvelle étape de sa vie.

Quand la souffrance est vraiment trop intense, intolérable, que l’on n’arrive pas à donner du sens, l’accompagnement d’un professionnel dans le processus peut être d’un grand secours.

Au final, une fois la tempête traversée, on se rend compte que cette douloureuse étape de notre vie nous aura permis un travail de remaniement de soi, avec une ouverture du champ des possibles, que l’on n’aurait même pas pu imaginer auparavant.