« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants (mais peu d’entre elles s’en souviennent). »

J’aime beaucoup cette citation d’Antoine de Saint Exupéry, car elle nous rappelle d’où l’on vient. Elle nous renvoie à l’enfant que nous avons été avec ses rêves, ses désirs, ses besoins, mais aussi ses blessures et ses souffrances.

L’adulte que nous sommes aujourd’hui s’est construit à partir de l’enfant que nous avons été hier. Et cet enfant continue d’exister en nous.

Mais parfois nous l’oublions, nous le faisons taire, nous l’ignorons.

Il est pourtant communément admis aujourd’hui que bien vivre avec soi suppose de vivre en bonne intelligence avec son enfant intérieur.

Mais d’où vient ce concept de l’enfant intérieur ?
Pourquoi et comment en prendre soin ?

Le concept de l’enfant intérieur

Dans les années 40,  C.G. JUNG, père de la psychologie analytique, amène le concept de l’enfant intérieur au travers des archétypes de l’enfant divin et du soi. L’enfant divin représente alors la part enfantine de chaque homme et femme, et est porteur de transformation.
Pour Jung, la prise de conscience du Soi, va amener l’homme à l’expérience du Soi : il se retrouve vraiment lui-même, il retrouve son essence, son enfant intérieur.

Au cours des années 60, Eric BERNE, à l’origine de l’Analyse Transactionnelle, établit que notre monde intérieur est régi par 3 états du moi : le parent (qui établit les règles) – l’adulte (qui pense, décide, résout les problèmes) – l’enfant (qui ressent et réagit).

Ensuite, Hal et Sidra STONE ajouteront au cours des années 80 des sous-personnalités au modèle du monde intérieur d’Eric BERNE, et créeront la méthode du dialogue intérieur. Il s’agit de retrouver, et d’accepter les sous-personnalités qui restent dans l’ombre, celles que l’on renie lors du passage à l’âge adulte et de dialoguer avec notre enfant intérieur comme s’il s’agissait d’une personne réelle.

Enfin pour John BRADSHAW, notre enfant intérieur s’est développé en suivant des étapes, et le mal-être ressenti serait dû à une fêlure lors d’une de ces étapes, et qui nous coupe de notre enfant intérieur.

Attention toutefois à ne pas confondre enfant intérieur et infantilisme, qui se manifeste par l’égocentrisme, la dépendance, le désir de toute-puissance, l’incapacité à différer le plaisir, c’est-à-dire à accepter la frustration.

Ainsi notre enfant intérieur, c’est NOUS, enfant, avec nos besoins, nos désirs, nos rêves, nos frustrations, nos blessures, nos croyances,… qui ont été entendus, ou pas entendus, niés, refoulés.

Et nos réactions sont empreintes de cet enfant et de ces émotions refoulées. Or nos émotions refoulées, et donc totalement inconscientes, sont de véritables bombes à retardement qui se manifestent souvent sous forme de ruptures : dans la famille, le couple ou le travail.

Pourquoi prendre soin de son enfant intérieur

Et c’est justement parce que les émotions refoulées sont des bombes à retardement, qu’il vaut mieux s’intéresser à ce que notre enfant intérieur a à nous dire avant qu’il n’explose.

Ecouter son enfant intérieur nous permet de nous reconnecter à notre essence, à notre énergie vitale, à qui on est vraiment. Ainsi, spontanéité,

joie de vivre, créativité, authenticité, capacité de s’exprimer, confiance,… écrasés par le refoulement par lequel on est passé pour devenir adulte et répondre aux exigences parentales et sociales, peuvent à nouveau s’exprimer librement afin de nous rendre pleinement créateur de notre vie.

De plus, parce que tout ce qui n’a pas été vécu sainement dans notre enfance (traumatismes plus ou moins grands) continue de nous hanter à l’âge adulte, recontacter notre enfant intérieur va nous permettre de sortir de positions infantiles dans lesquelles nous nous plaçons parfois, en prenant conscience de nos émotions refoulées. Ainsi, nous redonnons la parole au petit enfant que l’on a été, au lieu de continuer à la museler.

Enfin, recontacter notre enfant intérieur va nous permettre de devenir un bon parent pour nous-mêmes, dans un processus de reparentage, en retournant psychiquement vers l’enfant que l’on a été pour le cajoler, mettre des mots sur ses souffrances et libérer le potentiel en soi.

Et par là-même, nous aurons un autre rapport à nos propres enfants. En effet, en devenant parents, nous recontactons l’ensemble des désirs et angoisses éprouvés lors de notre enfance, mais sans en avoir conscience. Et ces émotions vont influencer la manière dont nous interprétons les pleurs de notre enfant, ou comment on accueille sa colère, par exemple. Ainsi, « écouter l’enfant en soi, nous permet dans une certaine mesure, de donner mieux que ce que nous avons reçu. Mais parfois il se superpose à l’enfant qui naît : mieux vaut s’occuper de lui avant de le faire subir à nos propres enfants. » Kathleen KELLEY-LAINE « Peter Pan ou l’enfant triste »

Comment prendre soin de son enfant intérieur

La base de notre identité est la connexion à nos besoins. Il est donc essentiel de sentir ses besoins, de les écouter et les accueillir. De la même manière qu’il est primordial d’écouter et d’accueillir nos émotions sans les juger.

Les moyens d’entrer en connexion organique avec soi-même sont divers et variés :

  • – la respiration en conscience
  • – les activités créatives
  • – le jeu
  • – le coloriage
  • – la méditation
  • – la nouveauté (se faire de nouveaux amis par exemple)
  • -…

Tout ce qui nous donne la sensation de « retomber en enfance » et surtout qui nous procure plaisir, apaisement et joie.

Ensuite, il sera important de le traiter et lui parler comme nous pourrions le faire avec nos propres enfants, c’est-à-dire avec amour et bienveillance. Nous allons ainsi, dialoguer avec lui, le rassurer, l’encourager.

Finalement, prendre soin de son enfant intérieur, c’est  se réapproprier son histoire, ses émotions, en lui accordant une place, un droit à la parole.

Toutefois, aller à la rencontre de son enfant intérieur, peut se révéler douloureux. Lorsque l’enfance a été marquée par de nombreux traumas, il arrive que le seul moyen trouvé par notre psychisme pour survivre est le refoulement. Contacter son enfant intérieur vient alors mettre en lumière des souvenirs extrêmement douloureux, jusque-là oubliés. Il sera alors très important d’être accompagné par un professionnel dans ce processus, libérateur certes, mais qui ne peut faire l’économie de repasser par les moments souffrants de son histoire.

« Croître psychiquement, c’est avoir une tranquillité suffisante pour accueillir l’enfant que l’on a été. C’est assumer progressivement une certaine continuité sans jamais se couper de sa vulnérabilité première. » Philippe JEAMMET